La biodynamie, ce courant de l’agriculture qui veut aller « au-delà du bio » en prônant un retour aux sources, fait de plus en plus d’adeptes en France, notamment chez les viticulteurs. Si son approche holistique peut parfois faire sourire et semble parfaitement inoffensive, la biodynamie est un sujet un peu plus complexe, qui ne peut pas se résumer à l’utilisation d’engrais naturels et au suivi du calendrier lunaire. Pas de panique, on vous décrypte tout ça !
Les principes de base de la biodynamie : simple, basique.
Rangez vos baguettes magiques et vos chapeaux pointus : la biodynamie n’a rien de sorcier… Ou presque ! Son principe de base est plutôt simple : pour produire une alimentation plus saine pour les Hommes et la Terre, il est nécessaire d’être en harmonie avec la nature et de respecter ses besoins.
On oublie donc tout ce qui est engrais chimiques au profit d’infusions de plantes, d’une observation minutieuse des cultures et de préparations naturelles à répandre dans les champs (il en existe 8 dans la biodynamie, numérotées de 500 à 508). L’objectif ici est de revenir à une agriculture centrée sur la synergie entre les sols, l’eau, la faune, la flore et les Hommes. On retrouve par ailleurs dans la biodynamie de nombreux principes fondateurs de la permaculture : la rotation des cultures, les engrais verts, la compatibilité des plantes, etc. !
Jusqu’ici, rien de bien compliqué nous direz-vous, puisque tout cela ressemble à l’agriculture biologique « classique ». Mais la biodynamie va encore plus loin, et c’est là que le principe peut devenir un peu lunaire… Et c’est le cas de le dire, puisque la biodynamie s’appuie notamment sur les cycles de la Lune et les constellations du zodiaque, qui auraient une influence sur le vivant.
Pour obtenir des plants en bonne santé et résistants aux maladies, la biodynamie préconise donc de planter ses semis en fonction des phases de la lune, chacune ayant des propriétés spécifiques.
Qui n’a jamais entendu ses grands-parents dire qu’il fallait planter les haricots verts à la pleine lune ? En fonction de la position de la lune et des constellations, certaines « forces cosmiques » seraient activées et faciliteraient la pousse des racines, des feuilles, des fruits ou des fleurs. En fin de compte, vous pouvez peut-être ressortir vos baguettes magiques 🧙♀️
Si tout cela vous parait un peu abstrait, sachez que deux labels certifient les produits respectant les principes de la biodynamie : Demeter, qui est le label biodynamique de référence, et Biodyvin, spécialisé dans les produits de la vigne et les vins biodynamiques.
La biodynamie nous fait-elle voir la lune en plein midi ?
Le respect des sols et du rythme de la nature, une attention accrue portée aux cultures, ça a l’air plutôt sympa la biodynamie non ? Alors, dis-nous Jamy, pourquoi est-ce qu’elle est si souvent critiquée ?
Si on creuse un peu le sujet, la biodynamie ce n’est malheureusement pas que du purin d’ortie et des légumes plantés pendant la pleine lune, loin de là. Le concept de la biodynamie a été théorisé dans les années 1920 par Rudolf Steiner, le fondateur de la Société Anthroposophique Universelle, un mouvement de pensée qui se veut proche de la nature et qui voit le monde comme mû par des forces spirituelles.
Steiner était un philosophe, qui n’avait pas de formation ni de réelles connaissances en agriculture. Sa pensée était donc issue de ses seules intuitions, sans fondement scientifique. De nombreuses études ont d’ailleurs démontré que la lune n’avait pas d’influence sur la croissance des végétaux, et que danser dans son verger pour intensifier le goût des pommes n’avait aucun intérêt. Oui, vous avez bien lu.
De plus en plus d’études sont menées pour essayer de prouver le lien de causalité entre les pratiques de la biodynamie et l’amélioration gustative d’un produit. Pour le moment, la seule certitude est que l’attention accrue portée à la terre joue effectivement un rôle majeur dans la qualité des sols - en bio classique comme en biodynamie -, mais il n’est encore pas possible de prouver que l’utilisation des préparations 500 et 501 y est pour quelque chose par exemple.
Par ailleurs, l’anthroposophie est régulièrement épinglée pour ses dérives sectaires et son rejet de la science et de toute forme de progrès technologique. Pour en savoir plus, on vous conseille cet article du site Agriculture et Environnement, où un ancien élève de l’école Steiner revient sur les fondements ésotériques de la biodynamie.
L’autre point qui pose problème dans la biodynamie, ce sont les préparations utilisées dans les cultures. Si ce sont souvent les préparations florales à base d’ortie, de pissenlit ou de camomille qui sont mises en avant, certaines utilisent des ingrédients pour le moins déroutants, tous détaillés dans le cahier des charges de Demeter.
Les préparations 500 et 501, destinées à être épandues directement dans les cultures, sont faites à base de bouse ou de silice introduite dans une corne de vache qui sera ensuite enterrée tout l’hiver.
La préparation 502 est constituée de pétales de fleurs (jusqu’ici tout va bien) insérées dans une vessie de cerf mâle laissée au soleil tout un été (là, rien ne va plus).
La préparation 503 ? De la camomille insérée dans un intestin grêle de bovidé, enterré tout l’hiver sous la neige. On se croirait presque à Top Chef non ?
Allez, une dernière pour la route ? La préparation 505 quant à elle fait appel à un crâne d’animal (cheval, vache ou cochon) dans lequel on vient insérer des copeaux de chêne.
La biodynamie, à prendre ou à laisser ?
Porter plus d’attention et de soin à la terre, s’interroger sur les besoins des végétaux et adopter un rapport différent avec ses cultures n’est pas une mauvaise chose : ces techniques relèvent d’ailleurs plus du bon sens et de l’observation que de l’ésotérisme pur.
En faisant abstraction de toute sa partie holistique, la biodynamie peut apporter des améliorations à l’agriculture bio, notamment grâce à ses exigences plus poussées en matière de produits phytosanitaires. Certaines de ses méthodes sont d’ailleurs employées par de nombreux agriculteurs bio qui ne sont pas du tout adeptes de la biodynamie dans son ensemble, comme utiliser du purin d’ortie ou respecter un calendrier des semis.
De nombreux adeptes de la biodynamie rejettent d’ailleurs totalement son côté ésotérique pour se concentrer sur une approche plus pragmatique. Oui, (presque) personne ne danse dans son champ pour augmenter le goût des pommes... Ils sont également nombreux à admettre qu’il est pour le moment compliqué de prouver scientifiquement les effets de la biodynamie, tout en constatant de réels effets sur le terrain.
En réalité, il existe autant de façon de pratiquer la biodynamie que d’agriculteurs ! Si l’utilisation des préparations 500 et 501 reste la norme, chacun est libre de tester plusieurs pratiques et d’observer les résultats obtenus d’années en années pour se perfectionner.
La biodynamie propose donc quelques bonnes pratiques, mais il reste indispensable de comprendre ses origines pour pouvoir prendre du recul sur ce courant et ses dérives, et ne pas se faire avoir par son côté « plus bio que le bio ».
En remettant tout ça en perspective, on peut faire le tri des choses à conserver ou à oublier définitivement : observer ses plants de tomates avec minutie tous les jours, d’accord, les cornes de vaches, les vessies de cerfs et le rejet de la science, nous on a des doutes 🙅
Pour aller plus loin :
« L’agriculture biodynamique est-elle une pseudoscience ? » — Libération
« Qu’est-ce que la biodynamie ? » —Le Monde
« La biodynamie, une bien étrange théorie » — European Scientist
« La biodynamie : respect de la terre ou dérive sectaire ? » — GEO
Le compte Twitter et le site de Cyril Gambari, enseignant en biologie et spécialisé dans le “débunkage” des idées reçues sur la biodynamiediscover.title
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