Corse : le pari de la diversification ?

Autrefois centrée sur des productions agricoles traditionnelles, la Corse a progressivement cherché à diversifier ses activités agricoles pour s'adapter aux nouveaux défis climatiques, économiques et de consommation.

Cette stratégie se traduit par des innovations techniques, par le recours à des variétés fruitières nouvelles et l’expansion dans des cultures moins classiques, on vous dit tout👇

On transforme

Autrefois limités à la vente de fruits frais, certains producteurs corses ont élargi leur offre en transformant leurs produits, notamment en confitures, jus de fruits et en développant l’éco-tourisme.

Aux Jardins de la Testa, la diversification passe notamment par la transformation des fruits en produits finis. Les agrumes, qui constituent une part importante de la production, sont transformés en confitures : “cela nous permet de valoriser les fruits récoltés, mais aussi de prolonger leur durée de vie sur le marché”, comme nous le dit si bien Jean-Jacques. Chez Aliméria, c’est en jus pétillant que leurs fruits sont transformés.

Parallèlement, les exploitations agricoles s’orientent aussi vers l’écotourisme. « On veut ouvrir un camping au milieu de nos exploitations, faire visiter nos fermes et proposer différents produits de la région (Yoann, Domaines de la Taste) ainsi que diversifier nos sources de revenus. Mobile-home vu sur mer au milieu des clémentiniers, le rêve non ? ». Objectif : créer un lien direct avec nos consommateurs, les sensibiliser et diversifier leurs sources de revenus.

Dormir au milieu de ces vergers, moi je dis oui !

On rallonge

La production de la Clémentine en Corse se concentre traditionnellement sur une période bien précise, rendant les exploitations vulnérables à la variabilité climatique et à la concentration des récoltes. Pour répondre à cette contrainte, de nombreux producteurs cherchent à « rallonger » la saison en cultivant des variétés plus tardives ou en diversifiant les types de fruits.

Guillaume et ses frères, des Jardins de la Testa, ont su relever ce défi en adoptant des variétés de clémentines plus tardives : “On plante des nouvelles variétés de clémentines qui vont tenir jusqu'à janvier même février. Ainsi, la récolte de clémentines peut s’étendre bien au-delà du mois de décembre, ce qui permet de mieux répartir la production sur l’année et d'augmenter les revenus.”. Et franchement, sentir leur délicate odeur plus longtemps, ça nous mettrait presque en joie !

En parallèle, les producteurs s’efforcent de diversifier leurs cultures pour s’assurer une production plus stable tout au long de l'année. L’objectif est de ne plus se reposer sur une seule culture, mais de planifier des productions complémentaires, telles que des agrumes, mais aussi mangue, litchi, avocat, citron, pomelos, afin de garantir des revenus constants tout au long de l’année.

On se concentre sur des fruits plus rentables

Un autre axe de diversification concerne le choix des fruits cultivés. Les producteurs corses, conscients des défis financiers et climatiques, se tournent vers des fruits plus rentables.

Des fruits à croissance rapide

L’un des exemples les plus frappants est l’avocat. Ce fruit, qui pousse rapidement – dès la deuxième année de culture, il est déjà possible de récolter quelques fruits – est devenu un produit phare dans certaines exploitations. Par comparaison, les agrumes, comme la clémentine, mettent de 4 à 6 ans pour produire des fruits. Ce gain de temps est un argument majeur dans la diversification des cultures.

Fruits demandant moins d'eau

Un autre critère de sélection pour ces nouvelles cultures est la résistance à la sécheresse et la consommation d’eau. En effet, alors que les cultures traditionnelles comme les agrumes peuvent nécessiter beaucoup d’eau, des fruits comme l’avocat demandent moins d’irrigation. Cela représente un avantage indéniable dans un contexte de changement climatique, où les périodes de sécheresse se font de plus en plus fréquentes.

Des fruits d’hiver, plus simple à cultiver

Aux Jardins de la Testa, Guillaume, le jeune fils exploitant nous partage sa vision : “l’objectif est de diversifier l’arboriculture tout en restant dans les fruits d’hiver. Si auparavant, l’exploitation se concentrait principalement sur des fruits d’été (70% auparavant), la part des fruits récoltés en hiver représente désormais 70 % du chiffre d'affaires”. Ce choix est motivé par une volonté de se concentrer sur une période de l’année moins propice à la chaleur et aux maladies.

On crée et expérimente de nouvelles variétés + exotiques

Si les agrumes, comme les oranges et les pomelos, continuent de dominer la production, de nouvelles cultures voient également le jour. L'avocat, la mangue et le litchi sont cultivés sur l'île dans le but de produire des fruits exotiques sous label local. Ces fruits, habituellement importés, connaissent une demande croissante et représentent un marché lucratif (mangue & avocats : dans le top 10 des fruits consommés en France).

Dans ce cadre, Les Domaines de la Taste expérimente diverses variétés de litchis, un fruit qui, bien que peu cultivé en France, pourrait avoir un potentiel sur le marché local. En testant 7 différentes variétés, les producteurs ont pu sélectionner 2 variétés qui semblent offrir le meilleur rendement et le meilleur goût. “Un hectare de litchis sera planté l'année prochaine” d’après Yoann. Bientôt une alternative aux litchis venus d’Asie pour Noël !

Le climat de la Corse est l’un des principaux atouts de la production de fruits exotiques. L’île bénéficie d’un climat tempéré, avec des températures modérées grâce à l’influence de la mer Méditerranée et des montagnes.

(Bref, un paysage de carte postale, un peu comme ça.)

Contrairement à des régions comme la Sardaigne, où les étés sont caniculaires et les hivers rigoureux, la Corse bénéficie d’une température plus stable, propice à la culture de fruits tropicaux.

Une fierté locale pour tester et préserver de nouvelles cultures

“Afin de minimiser les risques liés à ces nouvelles cultures, les producteurs s’associent” nous raconte Yoann. Ces groupes permettent de tester à moindre coût de nouvelles variétés et de partager les risques. Aux Domaines de la Taste, une quarantaine d’hectares sont consacrés à la culture de l’avocat, mais seuls huit hectares sont en propriété. Ce modèle coopératif permet aux jeunes producteurs d’entrer dans la production de fruits exotiques sans prendre de risques financiers trop importants.

Conclusion

Très loin de la vision d’Epinal d’une agriculture figée dans le temps, le pari de la diversification agricole en Corse semble en bonne voie ! Ces initiatives prometteuses renforcent l’économie locale tout en répondant aux exigences modernes du marché.