L’agriculture est bien plus qu’une activité économique : c’est une histoire de familles, de générations et de cycles naturels. Travailler la terre, c’est s’engager dans une relation avec le temps, où chaque décision a des répercussions qui dépassent une vie humaine.
En Corse, les exploitations agricoles incarnent cette philosophie. Ces agriculteurs et familles s’inscrivent dans un dialogue constant avec leurs terres, leur passé, et leur avenir.
Nous sommes allées à la rencontre de nos producteurs corses pour comprendre le défi de la transmission et la manière dont ils s’adaptent aux réalités du temps long.
Tout est là 👇 Bonne lecture !
On travaille sur des temps longs
L’agriculture, c’est une aventure où le temps semble s’étirer, parfois au point de s’arrêter. Chaque plantation, chaque choix se joue à l’échelle des décennies. Ça paraît immense ? C’est encore plus vrai en arboriculture. La transmission des savoirs, des terres et des fruits de cette patience devient alors centrale.
Ces arbres de la Maison Bergman ont jusqu’à 60 ans, et ils n’ont encore pas dit leur dernier mot ;)
On travaille pour nos enfants
Aux Domaines de la Taste (plaine orientale de Pianiccia), une phrase revient souvent : « Nous vivons sur le travail de nos parents et travaillons pour nos enfants. » Cette maxime guide chaque décision.
Yoann, le producteur nous le raconte : “En 1964, nos grand parents Yves et Geneviève de la Taste plantèrent de la vigne et des clémentines sur ce qui n’était alors que du maquis. Ensuite mes parents. Depuis, la taille des vergers a doublé”. Pourtant, sur les 95 hectares qu’ils exploitent aujourd’hui, seuls 35 hectares sont aujourd’hui en production. Les 60 hectares restants sont de jeunes vergers, trop jeunes pour porter des fruits. Ces terres devront attendre plusieurs années avant de produire.
Cette temporalité, où un investissement immédiat ne commence à porter ses fruits qu’après une longue attente, impose une planification minutieuse. C’est une philosophie où le court terme est sacrifié pour le long terme, mais aussi un pari risqué. Pendant ces années de maturation, les jeunes arbres consomment de l’eau, des soins et des ressources sans générer de revenus.
Pleine saison des Clémentines aux Domaines de La Taste !
Arracher un verger pour replanter signifie qu’aucune production ne sera possible pendant au moins quatre ans, une période sans récolte, donc sans revenu.
« Lorsqu’on prend ce genre de décision, on réfléchit à deux fois. On ne peut pas se tromper, » explique Patrick de la Maison Berghman. Ce choix peut paraître simple à première vue, mais il représente une lourde charge économique et mentale. La clé réside dans une vision à long terme, capable de supporter l’absence de résultats immédiats.
*Patrick et Serge, père et fils de la Maison Berghman, ***exploitation de plus de 60 ans !
Travailler aujourd’hui pour une variété rentable demain
Le temps long atteint son paroxysme lorsqu’il s’agit de la recherche variétale. Aux Domaines de la Taste, l’histoire de leur nouvelle variété de mandarine illustre ce défi. En 2008, la phase de tests a commencé. Après des années d’expérimentations et d’homologations, les premières plantations pourront débuter qu’en 2026. La production, elle, ne sera pleinement opérationnelle qu’en 2031. Enfin, la rentabilité est attendue autour de 2035. L’avantage cette mandarine ? Une exclusivité Corse. Une pépite, un vrai fruit signature, à la hauteur de toute cette patience.
« Cela fait presque 30 ans qu’on travaille dessus. Ce que nous créons aujourd’hui, ce sont nos enfants qui en récolteront les bénéfices, » nous raconte Yoann. Cette temporalité s’oppose au rythme effréné de nombreuses industries. L’agriculture, elle, continue de tracer sa route, au gré des saisons et des générations.
Yoann, Domaines de la Taste, dans son futur verger de mandarines
Un marché cyclique : patience et résilience
La patience est également essentielle pour affronter les cycles du marché. le bio en est un exemple frappant. Jusqu’en 2019, ce secteur connaissait une forte croissance. Mais dès 2020, un recul s’est fait sentir. Depuis, la demande est repartie à la hausse.
« Tout cela est cyclique. Il faut savoir être patient, s’adapter et ne jamais perdre de vue l’objectif. », raconte Patrick de La Maison Berghman. Cette résilience est un trait commun à tous les agriculteurs. Chaque crise devient une opportunité de repenser les pratiques et de s’adapter aux attentes changeantes des consommateurs.
Avant vs demain : les apports de la jeunesse
L’arrivée d’une nouvelle génération sur les exploitations familiales transforme profondément les méthodes et les priorités. Cette jeunesse, qui revient parfois après des années passées loin des terres familiales, apporte des idées nouvelles et des perspectives différentes.
« Forcément, d’une génération à l’autre, on a une vision différente. Et c’est ce qui fait avancer une exploitation. » explique Jean-Jacques l’exploitant des Jardins de la Testa.
Guillaume et Jean-Jacques, père et fils des Jardins de la Testa
Tester tout hier, se concentrer aujourd’hui
Autrefois, les anciens testaient un peu de tout. La diversité était une forme de sécurité. Aujourd’hui, la logique a changé. Les nouvelles générations se concentrent sur les cultures les plus rentables et les plus adaptées aux conditions locales.
Certaines variétés de clémentines, bien qu’excellentes au goût, sont vouées à disparaître : « Elles ne sont pas assez rentables et il faut se concentrer sur des fruits qui ont un avenir. » nous raconte Yoann (Domaines de la Taste), en nous faisant gouter la meilleure clémentine de son verger…
Certains agriculteurs misent sur des fruits plus simples à cultiver, qui demandent moins d’eau et s’adaptent mieux au climat méditerranéen. Avocats, mangues ou litchis commencent à trouver leur place dans les vergers corses. Quant aux pêchers, trop fragiles et impossibles à cultiver en Bio, il est temps de les laisser derrière nous. « Je perds entre 50 et 80 % des récoltes à cause des ravageurs chaque année. Ce n’est plus viable. » nous raconte Jean-Jacques des Jardins de la Testa. Cette décision, bien que difficile, illustre la nécessité de s’adapter aux réalités du marché.
Nouvelles pratiques et innovations technologiques
La jeunesse apporte aussi des innovations en matière de pratiques agricoles. Les nouvelles techniques d’irrigation, comme l’arrosage sur frondaison ou le goutte-à-goutte fertilisé, permettent une gestion plus efficace des ressources.
- L'aspersion sur quoi ? Sur frondaison ! Un arrosage qui vaporise directement sur le feuillage, pour créer un microclimat plus frais et plus humide autour des arbres.
- Quant au goutte à goutte fertilisé, c’est comme une perfusion ciblée directement au pied des arbres, de quoi gagner deux à trois ans sur le développement des arbres, selon les Jardins de la Testa !
L’arrosage sur frondaison pour faire face à la chaleur et offrir une atmosphère tropicale aux arbres
Transmettre : une aventure humaine et familiale
La transmission est un défi en soi. Il ne s’agit pas seulement de passer des terres d’une génération à une autre, mais aussi de transmettre une vision, des valeurs, et une capacité d’adaptation.
Retour aux sources : un choix de vie
Pour certains, comme chez les Berghman, revenir sur l’exploitation familiale après une carrière sur le continent a été une évidence. Serge le confirme : « après 25 ans à Paris, j’ai décidé de revenir à la famille, au soleil et aux racines ». Ce retour a permis non seulement de reprendre le flambeau, mais aussi d’apporter des idées nouvelles et une énergie renouvelée.
Partage des responsabilités
Aux Domaines de la Taste, la transmission s’est faite entre trois frères (Yoann, Anthony et Loïc) chacun ayant trouvé sa place selon ses compétences : l’un gère les vergers, l’autre les finances, et le troisième la partie commerciale. Cette répartition, basée sur des objectifs communs, garantit un fonctionnement harmonieux.
Planter pour demain
En Corse, les agriculteurs le savent bien : ce que l’on plante aujourd’hui, ce sont les générations futures qui en récolteront les fruits. La transmission en agriculture est une histoire de temps long, de résilience et d’innovation. Si les nouvelles générations insufflent innovation et résilience, la pérennité des exploitations repose avant tout sur la capacité à trouver un repreneur. Et c’est là que réside le véritable enjeu : sans repreneur, tout cet effort pourrait s’arrêter net.
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