Contrairement à l’agriculture traditionnelle qui appauvrit les sols en raison des engrais chimiques et des pesticides qu’elle utilise, de la technique du labourage et des monocultures intensives, le bio a de multiples avantages et des effets prouvés sur la stabilisation des sols, la régulation du climat et la valeur nutritionnelle des produits, entre autres. Cependant, d’autres modèles, inspirés de l’agroécologie, explorent d’autres approches pour protéger, restaurer l’environnement et renforcer le bien-être des communautés agricoles. Ils deviennent le cœur d’étude d’universitaires aux quatre coins du globe, mais également du Groupe d’experts Intergouvernemental pour le climat (GIEC), tant ils abondent d’atouts considérables à la fois pour la planète et notre assiette. On vous détaille aujourd’hui ce qui sera, on l’espère, l’agriculture de demain.
Le bio c’est bien, mais on peut aller plus loin...
Depuis plus de trente ans, la France a mis en place une politique de soutien à l’Agriculture Biologique (AB), dont les retombées ont été importantes, tant le bio a reçu un accueil favorable des consommateurs, puis d’un nombre croissant de producteurs. Selon le dernier rapport de la Cour des comptes sur le sujet de l’agriculture biologique (2022), 10,3% de la surface agricole commune du pays est en AB, plaçant la France à la première place européenne.
Et pour cause, en comparaison à l’agriculture dite conventionnelle, l’agriculture biologique a su séduire les citoyens français et européens, grâce à des efforts considérables en termes d’exploitation responsable de l’énergie (par exemple en production laitière) et des ressources naturelles, en préservant la biodiversité et les équilibres écologiques régionaux, en améliorant la fertilité des sols et en maintenant la qualité de l’eau. Les producteurs se sont engagés dans une démarche holistique qui leur confère un label, et sont contrôlés à ce titre régulièrement par un organisme certificateur indépendant. Le bio a également permis une avancée considérable en termes de qualité nutritionnelle des produits : pour preuve, la Cour des comptes souligne que l’on observe une diminution de 25% du risque de cancer chez les consommateurs réguliers de produits bio, toutes choses étant égales par ailleurs.
Cela étant, si le bio est une démarche qu’il faut saluer, elle ne saura pas à elle seule affronter le défi de la pression démographique et atténuer les conséquences de l’agriculture sur le dérèglement climatique. En effet, en raison de l’interdiction d’utiliser des pesticides et des désherbants chimiques, les rendements de l’Agriculture biologique sont moins importants que ceux de l’agriculture conventionnelle, et c’est pourquoi, si l’AB est déjà un levier essentiel pour une transition vers une agriculture plus saine et respectueuse de l’environnement, elle ne pourra pas fournir les mêmes rendements que l’agriculture conventionnelle, à terres cultivées égales. Il faut savoir également qu’un produit peut être bio tout en ayant longuement voyagé (en France, plus du tiers des aliments bio est importé). Le bio est en effet le résultat d’une réglementation européenne sur un territoire où la libre circulation des produits est autorisée, sinon encouragée par le marché libre. Et les produits bio peuvent aussi être importés depuis des pays hors Europe. En effet, bien qu’il n’existe pas de label international, il existe des règles d’équivalence établies par la Commission européenne : chaque produit doit être accompagné d’un certificat et d’un accord contrôlés à l’entrée sur le territoire. Autrement dit, le label bio ne suffit pas à lui-seul à assurer à la planète un cercle production-consommation respectueux de l’environnement.
Autre sujet de débats autour de l’AB, c’est qu’il n’existait pas - jusqu'à il y a encore quelques mois -, une réglementation en vigueur pour contraindre les agriculteurs à une rotation des cultures. Ainsi, il était possible d’être bio et d’abîmer la fertilité des sols avec une monoculture année après année. Après d’ultimes négociations, la France a cependant trouvé l’an dernier un accord avec la Commission européenne sur les exigences de rotation pour la Politique Agricole Commune (la fameuse “PAC”) 2023-2027 : désormais, il faudra avoir une culture différente de celle de l’année précédente sur 35% des terres d’une exploitation. Ceci est une victoire significative pour le bio et pour toute l’agriculture conventionnelle, même si l’on sait que dans les négociations initiales, ce palier avait été fixé à 60%.
Toi + moi + tout ce qui le veulent : unissons les modèles !
Si le bio n’est pas parfait, il a été un premier pas décisif vers une prise de conscience et vers des résultats probants sur de nombreux indices écologiques (écotoxicité, biodiversité notamment). Cela étant, il existe aujourd’hui d’autres modèles, qui, combinés, nous permettraient de relever les nombreux défis sociétaux, au premier rang desquels** le respect de l’environnement, la sécurité alimentaire de la population mondiale et la santé**. En réalité, ce n’est d’ailleurs pas une unique bonne pratique agricole, mais la complémentarité de diverses pratiques qui pourra être la solution au respect de l’environnement et à la satisfaction de l’offre alimentaire mondiale, c’est-à-dire une pratique durable et multidimensionnelle (éthique, économique, écologique, sociale) dans la perspective d’une production agricole qualitative et quantitative pour faire face à l’évolution démographique actuelle (la population mondiale devrait atteindre 9,5 milliards à l’horizon 2050).
Ce sont en tout cas les dernières conclusions du GIEC (chapitre 7 du sixième rapport du groupe), selon qui, l’agriculture écologiquement intensive (AEI) est la solution de demain. Si le terme est en apparence contradictoire, il s’agit en fait d’un mode de production agricole basé sur l’utilisation durable des services écosystémiques dans les agroécosystèmes. En effet, “la fonctionnalité écologique la plus connue, et peut-être la plus importante, est le grand cycle de la production de biomasse grâce à la photosynthèse, puis de sa décomposition (humification, minéralisation) qui assure aux racines des plantes cultivées des apports en nutriments”, comme le souligne l’agronome Michel Griffon dans une publication sur le sujet. L’idée de l’AEI est d’intensifier cette fonctionnalité, ainsi que d’autres services rendus par la nature, comme la présence près des cultures de prédateurs pour maîtriser les ravageurs. La notion d’AEI a été formalisée en France depuis le Grenelle de l’environnement de 2008 et inventée par Michel Griffon, chercheur au Centre de coopération internationale Agronomique pour le Développement (Cirad) et Bruno Parmentier, directeur du groupe ESA (École supérieure d’agriculture) d’Angers. Dès l’année 1986, le Cirad avait développé le concept d’intensification écologique. L’idée ? Produire en très grande quantité des produits de très bonne qualité. Comment ? Il s’agit d’intensifier les mécanismes naturels des écosystèmes grâce au reboisement, à l’agroforesterie, à la préférence pour la consommation végétale à animale, la réduction du gaspillage alimentaire (héhé), l’agroécologie (optimisation de l’usage de l’eau, des intrants et de l’énergie), la rotation et la diversification des cultures pour un système plus résilient aux chocs biotiques et climatiques, la maximisation des périodes de photosynthèse pour la production de biomasse, entre autres.
D’autres parlent encore d’agriculture régénératrice, au sens de la « régénération » des biens communs (sols, eau, air, biodiversité). En termes de pratiques, les trois leviers principaux sont la baisse significative du travail du sol pour préserver la structure et la vie du sol et arrêter l’érosion grâce à la couverture des sols pendant toute l’année, la couverture des sols qui apporte une protection contre l’érosion, mais également contre les rayons ultraviolets et la sécheresse et enfin, la préservation de la diversité des espèces cultivées, de préférence en association, sur la base de rotations longues (de 4 à 8 ans en ayant recours à un minimum d'intrants extérieurs à l'exploitation), l’idée étant d’améliorer la fertilité des sols et de baisser le risque de maladies.
Les modèles d’agriculture régénératrice ou d’AEI, dont les points communs sont nombreux, ne sont pas des modèles figés. Ils fournissent aux agriculteurs une nouvelle voie vers des pratiques multiples et ces derniers peuvent ajuster leurs choix selon la réalité technique et économique de leur exploitation. C’est une sorte de boîte à l’intérieur de laquelle les outils sont complémentaires, mais peuvent être aussi choisis de façon isolée en fonction de ce que l’on doit réparer. En soi, il s’agit d’un mix en bonne intelligence de toutes les pratiques que l’on connaît déjà pour piéger le carbone et respecter la santé des consommateurs et préserver la nature. Il reste nécessaire d’y apporter un cadre, afin d’éviter toute dérive vers un greenwashing.
Pour aller plus loin :
- L’annuaire qui géolocalise partout en France un distributeur ou un fournisseur certifiés bio.
- L’interview complète de Monsieur Rachid Mrabet qui a coordonné le chapitre 7 du rapport du GIEC sur les bienfaits de l’agriculture écologiquement intensive.
- L’agriculture régénératrice : summum de l’agroécologie ou greenwashing ? (2022) Michel Duru, Jean-Pierre Sarthou et Olivier Therond.
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